La Mort ? quelle blague !

Dans toutes les traditions la mort est crainte. A juste titre car elle représente la disparition de tout ce que nous aimons et apprécions à commencer par nos proches. De là s'est développée une multitude de mythes compensatoires supposés nous consoler en même temps d'ailleurs que nous livrer à d'hypothétiques spécialistes que seraient les moines, les bonzes, les immams et autres intercesseurs médicaux, sociologues ou sorciers ...

A y regarder de plus près la problématique de la mort est totalement imaginée. La disparition des autres nous est réelle et perceptible parce que nous constatons leur absence soudaine  et par extrapolation nous pensons qu'elle nous touchera également; mais en fait de quoi s'agit-il vraiment ?

Imaginons un crash au-dessus de la forêt amazonienne. Tous les passagers sont portés disparus et donc considérés comme morts. Posons l'hypothèse que quelques-uns ont survécus et vivent dans des tribus totalement coupés de toute civilisation. Après X années ils réussissent à rentrer chez eux et chacun de constater qu'ils sont bien vivants alors qu'ils passaient pour morts. Admettons qu'ils reprennent le cours de leur vie et tirons les conséquences de l'hypothèse posée.

L'exemple choisi démontre qu'il y a confusion entre disparition physique et le concept de mort. Qu'elle soit abusive  n'en change pas les conséquences. Elle implique une identification au corps et ses manifestations corporelles en les réduisant aux 6 sens (5 habituels + le mental) et à ce que le bouddhisme nomme les skandas (matière, sensations, émotions, concepts et conscience).

EPICURE en son temps avait déjà constaté qu'il n'y avait rien à craindre de la mort. Quand nous sommes là, elle n'y est pas et quand elle y est nous n'y sommes plus. Dans les deux cas, il s'agit d'une extrapolation abusive car de fait nous ne connaissons que la mort des autres et jamais la nôtre.

Le Bouddhisme zen soto dans son postulat expérimental d'unité dénonce, comme nous venons de le constater, l'identification aux skandas dans ce qu'ils ont d'aliénant. Que lesdits skandas, entrainant ce qu'ils appellent la mort, disparaissent ne reflettent que le point de vue de ceux qui pensent que l'humain se réduit à l'image qu'il présente au travers de ses yeux, oreilles, mains, nez ...

Le zen soto préconise  une pratique, une attitude tendant à la reconnaissance du caractère cosmique, universel de l'Humanité et des êtres sensibles telle que le mentionne Maitre DOGEN dans le chapitre "yui butsu yo butsu" du Shobogenzo que je cite :

L'UNIVERS ENTIER (tel qu'il est) EST LE CORPS VERITABLE DE L'HOMME

faisant ainsi de l'Univers le corps vécu de l'expérience humaine où les phénomènes se conjuguent sans obstacle, sans saisie ni rejet, sans naissance ni mort dans l'acceptation la plus totale de ce qui est, l'impermanence.

Le Bouddhisme, en général, fait à juste titre du désir et de la soif le moteur de la souffrance généré par l'EGO et le moi par leurs effets discriminants et séparateurs. DOGEN ne le conteste pas et élargit la notion du Moi à l'Univers entier pour en annuler les effets :

L'UNIVERS ENTIER (tel qu'il est) EST LE CORPS DE DHARMA DU MOI.

En effet, le Moi perd son pouvoir de division quand on le situe au niveau global. Il perd ainsi son pouvoir oppositionnel et ne peut, par conséquent, avoir d'attitudes négatives qui, de facto, le ferait quitter l'Univers. Pour aller où ? ...

Aller ou ne pas aller n'est pas la question. La devise mentionnée sous le logo enseigne qu'il n'y a nul endroit où le Nirvana ne serait pas. Le trouver ne peut résulter d'une décision, d'une quête mais simplement de son Usage qui consiste à ne pas agir dans l'angoisse ou l'exaltation de l'espoir sans attendre quoi que ce soit d'autre, pas même un résultat.