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Impermanence et temporalité

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Impermanence et temporalité Empty Impermanence et temporalité

Message par Tai Gaku Mar 10 Mar - 17:16

"Tous les hommes sont aptes à appréhender la Réalité de bouddha. La progression de l'appréhension de l'Éveil n'est qu'une question de diligence ou d'indolence. Ce qui fait la différence entre diligence et indolence, c'est d'avoir ou non de la détermination. L'absence de détermination vient de ce qu'on ne pense pas à l'impermanence. On meurt pensée après pensée et cela ne s'arrête pas un moment. D'un bout à l'autre de votre existence ne laissez donc pas passer le temps en vain, même pour un moment."
Citation n° 1681 : Dogen , (1200-1253)
Source : Enseignements du maître zen Dôgen (Shôbôgenzô Zuimonki), Traduction de Kengan D. Robert, éditions Sully, 2001.


Le texte souligné me semble être la clef  - par antiphrase - de la compréhension/réalisation de l'éveil des êtres sensibles dont la tendance naturelle, par crainte de l'inconnu, vise à la durée et la fixité. Cette réaction instinctive pour naturelle qu'elle soit n'en est pas moins dommageable en ce qu'elle occulte sciemment les modifications incessantes que chacun peut par ailleurs constater quotidiennement en les figeant dans une vérité paradigmatique. Cette fixité à la base de mythologies multiples et de religions supposées révélées ne permet pas par la force du dogme et la facilité grégaire, d’expérimenter concrètement les multiples changements qui caractérisent l'esprit, la conscience, les relations mondaines et, par voie de contagion sémantique et pratique, voile l'impermanence.

Cependant, l'expérience, l'analyse, le simple bon sens et la pratique de zazen démontrent que tant la nature de la matière que la malléabilité de l'esprit sont avérées et qu'en conséquence leur apparition/disparition est la règle de base par laquelle la mort va pouvoir être abordée, sans crainte ni fantasme. EPICURE dans son Tétrapharmacon soutient "qu'il n'y a rien à craindre de la mort" dans la mesure où lorsqu'elle est là c'est nous qui n'y sommes pas et tant que nous y sommes c’est elle qui n’y est pas. Ce faisant il oppose dialectiquement deux états d'être que le bouddhisme récuse dans la mesure  où l'apparition/disparition par ailleurs assimilables dans le Shobogenzo à la non-naissance et à la non-mort ne sont aucunement une naissance radicalement nouvelle et la mort  une disparition totale et irrémédiable.

C'est la raison pour laquelle ce qui importe n'est certes pas de considérer "la mort pensée après pensée" - bien qu'elle garde toute sa pertinence - mais seulement de l’entendre en tant que perte d'une identité factice construite à partir et sur la fixité dénoncée plus haut que l'homme ordinaire nomme précisément naissance et mort.

Pour que le "système" fonctionne encore faut-il se demander à quelle image de soi cette représentation s'identifie t-elle ? Représente t-elle un stade évolutif supposé provenir d’une source transcendante ? Est-elle une manifestation magnifiée d’un antropomorphisme exacerbé ?

Les réponses sont multiples en fonction des « a-priori » vécus plus  ou moins consciemment mais résultent toutes d’une identification à une série de constructions mentales supposées rendre compte du Réel à partir des sensations/perceptions (skandas) qui deviennent alors des principes dans la mesure où elles conviennent à ceux qui les expriment. C’est seulement, lorsqu’expérimentalement, leur inefficacité est avérée, que se démontre « de facto » l’erreur de perspective dans laquelle elles nous conduisaient et impliquent d’en changer.

Le corps et l'esprit tant vantés par les philosophes cartésiens seraient-ils susceptibles d'erreur ? Oui s'ils sont conçus en tant qu'entités séparées, Non si leur unité est spécifiée par une pratique où en tant que tels il se fondent dans une fonctionnalité impersonnelle où les particularismes disparaissent pour laisser advenir le Réel que nous nommons : Nature propre.

Le pas est ainsi franchi. Jusqu'alors l'homme se concevait comme distinct, créé à l'image d'une entité toute puissante et doté d'un libre arbitre afin de ne pas occulter la perfection supposée de ladite entité. Ce qui précède tente de montrer les limites d'une telle conception séparative en ce qu'elle fige le Réel dans sa diversité - présentée comme création divine et transcendante - alors que, selon DOGEN, c'est la diversité du réel existant qui nous atteste par l'oubli de soi-même que préconise la voie du bouddha.

Ainsi le concept même de mort perd sa charge négative, dans la mesure où la personne en tant que personne isolée "disparait" pour se fondre dans une totalité que les physiciens quantiques nomment "vide quantique" et que j'assimile à notre Nature Propre . En fait ce vide est plein de potentialités à réaliser - à l'instar de la Nature Propre - à condition que la mort envisagée dans la phrase citée en début d'article soit comprise et admise pour ce qu'elle est, un renvoi à l'impermanence et à l'inter-dépendance liée à l'Usage que nous faisons de nos capacités humaines au sens de la lettre sur l'Humanisme de Martin HEIDEGGER et du Surhomme de Frédrich NIETZSCHE (Uber Mensch - au delà de l'Homme)
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Message par Tai Gaku Lun 16 Mar - 16:04

A l'heure où la fin de vie préoccupe le législateur, il semble fondamental de néanmoins tenter d'expliciter la seule expérience à laquelle nous sommes consciemment soumis, l'instant présent et les raisons pour lesquelles elle est si difficile à réaliser. En effet son expérimentation se heurte à une inattention chronique qui enferme chacun/chacune dans une fuite en avant nommée : Sanran l'esprit trompeur.

Cet esprit, c'est l'esprit de saisie qui cherche sans fin à combler son appétit de jouissance, de possession et d'appropriation dans un tourbillon de pensées qui éloigne du présent en vue d'un futur magnifié et fantasmé.

A contrario, Kontin l'esprit qui sombre dans la mélancolie, la stagnation, l'absence de concentration sans présence produit le même effet par évasion du réel interdisant par la-même d'être présent à son présent et de vivre la mort comme disparition et non comme accomplissement.

L'homme du Satori, l'Homme sans affaires, l'Homme véritable, l'Homme universel ne priviliégiera aucun de ces deux esprits mais les laissera s'exprimer sans rejet ni saisie. Ce qui fait la valeur de l’homme de la Voie, c’est son aptitude à faire le va-et-vient sans entrave entre Sanran et Kontin sans confondre l'un et l'autre mais jamais l'un sans l'autre.
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Message par Shakti Mar 17 Mar - 13:35

Bonjour,

Comment peut-on dire que la mort n'est pas la mort quant on voit l'actualité de chaque jour de par le monde ?
Même si la phrase de DOGEN est interprétable, la disparition des êtres chers n'en est pas moins réelle pour l'ensemble des humains et des être sensibles et je ne vois pas ce que la mise à niveau de Sanran et Kontin peut y changer.

merci
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Message par Tai Gaku Jeu 19 Mar - 11:17

La mort et la crainte qu'elle suscite sont liées à l'identification  aux diverses manifestations  que les hommes effectuent et par lesquelles l'Etre se manifeste, à savoir le corps, l'esprit, les sensations/perceptions, les sentiments tant amicaux qu'amoureux ainsi d'ailleurs que patriotiques etc etc... Cette attitude est naturelle autant que culturelle et laisse supposer que ces manifestations sont l'unique niveau de réalité où elles peuvent se réaliser et laissent accroire que leur disparition  interrompt la connaissance et l'expérimentation que nous pouvons en avoir.

C'est du moins le niveau où se construit une posture où la disparition équivaut à la mort et vice-versa et loin de moi l'idée de prétendre qu'elle est fausse, seulement partiale et partielle.

L'étude du Bouddhisme et sa pratique nous permettent de réaliser le mirage dans lequel nous vivons (Calderon ne dit-il pas que "la vie est un songe"). Ces manifestations en lesquelles nous croyons dur comme fer ne sont que nuages dans le ciel et écume sur la vague puisque seulement constituées par le désir ou la crainte que nous en avons. Elles apparaissent/disparaissent - non seulement intrinsèquement - mais également au gré de nos désirs à satisfaire, satisfait ou pas et ne représentent guerre plus que caprice d'enfant.

Que ce soit par la foi ou la pratique de zazen, tant que l'on aura pas fait sien cette appropriation du réel ne reposant que sur la partie accessible à nos sens,  la mort sera conçu et vécu comme une punition privative de supposés "vertus" absolues telle que l'honneur, la gloire, la loi, l'appropriation, le mérite, la reconnaissance et la puissance personnifiée par un Dieu, un Tyran, un Chef etc etc ... C'est Sanran l'Esprit trompeur qui jamais ne se satisfait sous la domination de Mara lui-même motivé par l'Ego perpétuellement à la recherche d'os à ronger;  l'actualité de ce monde à laquelle tu te réfères fait partie de cette vision.

A moins de réduire notre existence aux fonctions biologiques qui l'expriment, il est nécessaire d'approfondir la compréhension que nous en avons et d'admettre la superficialité de nos perceptions physiques, notamment au niveau du cadre de référence qui les explicite pour chacun (dieu, création ex-nihilo/permanente,lutte des classes, humanisme ...) Cette constatation cependant risque de nous isoler dans des rêveries mélancoliques indépassables qui nous éloignent de l'instant présent et c'est la raison pour laquelle l'Esprit Kontin est tout aussi nuisible que Sanran si nous nous y complaisons.

Une des notions fondatrices du Bouddhisme réside dans le milieu juste défini comme voie médiane entre l'éternalisme et le nihilisme. C'est l'instant présent qui nous préserve de la fuite en avant/arrière tout en nous ménageant des ruminations incessantes quant à un futur magnifié. Ainsi donc quand on parle de disparition d'êtres chers nous restons prisonniers de la fixation que nous faisons sur l'aspect physique des individus alors que déjà cet aspect est une création mentale tout comme notre crainte. Il importe donc de réaliser, comprendre, admettre son caractère illusoire lié à une pérenisation de nos impressions à tel point d'ailleurs qu'il est loisible d'imaginer qu'une disparition n'est pas nécessairement une mort certaine (cf. la disparition de l'avion de la Malaysian airline) et qu'en conséquence, pour citer Shakespeare, "il y a dans le ciel plus que n'en peut contenir toute votre philosophie" parce que lieu de réconciliation avec l'ordre cosmique dont il devient une parcelle par nature immortelle
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Message par Shakti Jeu 19 Mar - 14:19

Le 19 mars est la Fête des Pères au Portugal.

Mon père est décédé il y a presque 1 an et demi et je ne le sens pas comme une perte; c’est vrai je ne pourrai plus être serrée dans ses bras ni sentir la chaleur de son visage contre le mien mais quand je pense à lui, je ne sens que de l’amour.

Il m’arrive même de rêver de lui, il me sourit et en silence, il n’est que lumière.

La plupart du temps je n’ai pas envie de pleurer, parfois je me sens coupable de ne pas sentir les larmes sur mon visage, je l’aimais tellement, et pourtant, en regardant sa photo, il n’a que la paix et la douceur de ses mots. Mon fils me dit que c’est parce que j’ai fait le deuil.

Je ne peux pas faire le deuil de la vie car il vit toujours, autrement mais il est dans mon présent, sans souffrance.

Est-il normal mon ressenti ? C’est la négation de sa mort, de sa disparition ou seulement le fait d’avoir intégrer cette notion assez complexe de « impermanence – intemporalité » ?
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Message par Tai Gaku Ven 20 Mar - 15:55

Normal, anormal ? ... je me garderai bien de me prononcer sur ce point. D'abord parce que cet avis ne serait que le mien, pas nécessairement pertinent et qu'ensuite il deviendrait un jugement de valeur qui n'entrainerait que culpabilité, rumination et insatisfaction.

Ton récit me semble corroborer ce que nous essayons d'expliciter ici avec chevauchement de multiples réalités que l'on pourrait, extérieurement, estimer contradictoires mais que tu synthétises dans et par ton amour pour ton père. Au sens habituel et conventionnel il est décédé - c'est une facette de l'Impermanence - mais dans la conception que tu sembles te faire de l'existence, il est toujours présent bien que cette présence soit privée de corpus physique.

C'est évidemment la difficulté majeure pour le matérialisme sensuel qui imprègne la Société et qui semble ignorer que la matière est foncièrement instable alors qu'elle persévère, dans ses archétypes, à y trouver stabilité, fermeté et permanence. Cette constatation ne doit pas t'inciter à te sentir coupable ni nier quoique ce soit et surtout pas l'advenue de pensées systémiques qui tendent à te suggérer une identité de nature avec l'ordre cosmique où l'apparaitre/disparaître est la règle sans nécessairement une incarnation matérielle.

Si on y réfléchit calmement et sans passion, il en est ainsi de l'ensemble des normes qui régissent notre existence à cela prêt qu'elles ne devraient être que "moyens habiles" et que nous leur attribuons une éternité absolue qu'elles ne possèdent pas. Quoiqu'il en soit, tes réflexions articulent - sans jamais les figer - les notions d'impermanence, d'intemporalité et de présence personnelle dans un temps construit. C'est la Voie qui révèle un processus transformatif sans commencement ni fin où la crispation rigide sur un de ses aspects est constitutif de la souffrance que l'on croyait vaincre.
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Message par Tai Gaku Lun 23 Mar - 9:50

De nombreuses pratiques niant la notion même d’instant présent sont présentées sur la voie égarant ceux qui, de bonne foi, les empruntent par exaltation de vertus sociales nécessaires à la vie en commun mais trompeuses dans leur finalité comme dans les moyens qu’elles utilisent. C’est ce que recouvre le terme Sanran qui se révèle créateur également de karma dans cette vie même

C’est ainsi que la culture forcenée de l’esprit destructeur que rien jamais ne satisfait va faire un enfer de la vie de celui/celle qui le subit renforçant l’état de souffrance endémique que pourtant il/elle essaie de dépasser.

L’esprit avide consumé de désirs insatiables et interchangeables de nourriture, richesse, pouvoir, domination désire néanmoins le satori sans pour autant s’imposer la pratique de zazen et ne le considère qu’en tant qu’objet à posséder… qu’il oubliera une fois qu’il croira l’avoir entrevu.

L’animalité va représenter l’emprise des désirs instinctifs où disparaissent toute moralité et toute raison pour ne trouver satisfaction que dans leur utilisation effrénée. Son aspect pernicieux est voilé par la constatation biologique de nécessité et de survie de l’espèce.

L’insatisfaction constatée va engendrer la colère et l’esprit de compétition dans la mesure où celui/celle qui la subit ne peut accepter sa propre infériorité dans quelque domaine que ce soit. Rien d’autre que le désir du plus fort et du satori à brandir comme un trophée n’importe.

L’Humanité va permettre la sublimation des désirs instinctifs par l’usage de la raison avec cependant des pratiques superstitieuses tendant à réifier, figer et fixer les notions de création, de contradiction et de complémentarité dans des systèmes aliénants tels que philosophiques, religieux, économiques et politiques.

Le monde céleste, supposé être celui des dieux où malgré sa durée supra-humaine l’impermanence va jouer son rôle, naît de la sublimation du stade précédent entrainant un état de bonheur temporaire qui va paraître « éternel » …

En réalisant la nature éphémère de ces 6 états dans cette vie le pratiquant réalise le zen de Bouddha et accède, non seulement à l’instant présent mais également aux 5 vertus qui le caractérise à savoir : la foi, l’énergie, la concentration, la détermination et la sagesse. Il est également possible d’affirmer  que la sagesse, la détermination etc etc… permettent la réalisation du caractère éphémère mentionné plus haut.
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